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« Je vends mes broutards 20 à 25 centimes plus chers grâce aux marchés aux bestiaux »

Environ 25 femelles sont gardées pour le renouvellement chaque année. Le reste du troupeau est vendu en maigre sur les places de marché.

Avec 140 vêlages dans la Creuse, Benny Somnel mise sur les marchés de bestiaux pour la valorisation de ses broutards, comme des réformes. Une manière pour lui de garder la main sur le prix de vente.

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Sur le marché aux bestiaux de Mauriac, Benny Somnel ne passait pas inaperçu. Chaque lundi, le responsable d’élevage débarquait ses broutards avec un 19 tonnes. « Mon patron avait un camion, alors c’était l’occasion d’aller chercher quelques centimes sur les marchés », sourit l’éleveur.

Il n’y avait pas que le camion qui dénotait : parmi les patois auvergnats s’élevait l’accent belge de Benny. Originaire du pays flamand, l’éleveur est un expatrié. Ses études terminées, il souhaitait reprendre la ferme de ses parents. Mais avec 12 ha et 26 vaches laitières, « ça n’était pas viable », tranche-t-il. C’est à une revue locale, le Sillon Belge, qu’il doit son salut. On pouvait y lire : « jeunes agriculteurs, votre avenir est en France ».

D’abord éleveur laitier, puis responsable d’élevage pour un investisseur sur une ferme allaitante de la Creuse, Benny n’a rien perdu du goût du commerce qu’on attribue traditionnellement aux Flamands. Six années durant, il a tenu le même rituel pour écouler l’intégralité des broutards et vaches grasses de la ferme sur le marché de Mauriac. « Je partais le matin à 5 h pour rejoindre le foirail à 120 km. »

Avec 135 broutards à écouler par campagne, le trajet valait le coup. « Quand j’ai commencé en 2017, les broutards étaient à 3 €. À Mauriac, j’arrivais à grappiller 20 ou 25 centimes du kilo », estime l’agriculteur. Sur 153 bêtes, ce petit plus représente tout de même près de 9 500 € par an.

Au-delà du prix, c’est l’ambiance qui plaisait à Benny. « Je regardais discrètement les marchands. S’ils venaient voir les bêtes avant la vente, c’est qu’il y avait des besoins. ». Alors l'œil enthousiaste, il regardait le match.

Difficile de reproduire cette concurrence en ferme. « On peut toujours faire venir un marchand au matin et l’autre l’après-midi, mais ça prend du temps. Et puis ça fait des histoires… »

Environ 25 femelles sont gardées pour le renouvellement chaque année. Le reste du troupeau est vendu en maigre sur les places de marché. (© Terre-net Média)
Je vais à Chénérailles tous les mardis

Aujourd’hui, c’est à Chénérailles qu’il faut aller pour croiser Benny. Le mardi de préférence. Le camion a été vendu, et une bétaillère attelée permet de rejoindre le marché à 15 km. Traditionnellement tourné vers la vente de chevaux de gré à gré, le marché creusois est devenu une antenne du marché au cadran d’Ussel en 2016. « C’est différent de Mauriac », remarque t-il.

Écrans et caméras font le lien entre Chénérailles et Ussel, où se trouvent les acheteurs. « On parle avec les crieurs grâce à des haut-parleurs » s’amuse Benny. Mais la retransmission en direct réduit la logistique pour les éleveurs. « Avant, pour bien vendre les Aubracs, il fallait aller dans le bassin. Aujourd’hui, c’est moins vrai. Avec la baisse des cheptels, les acheteurs sont moins racistes ! Je peux aller au plus près. »

La hausse des cours n’a pas rendu les places de marché obsolètes. « En avril, les prix donnés en fermes tournaient autour des 6 € sur les broutards. J’arrivais à atteindre les 6,40 € à Chénérailles », estime Benny. Un prix qu’il explique par l’optimisation logistique assurée par les centres de rassemblements. « Il y a des exportateurs qui sont sur place avec un camion à remplir à la sortie du foirail. Ils sont prêts à mettre quelques centimes de plus pour faire partir la bétaillère. »

Pour aller chercher du prix, encore faut-il être commerçant : « J’essaie de mettre en avant la marchandise », souffle Benny. Les broutards sont présentés en lots homogènes. « C’est un petit peu de l’épicerie, mais les exportateurs cherchent de l’uniformité. »

C’est sur les marchés que se mesure la décapitalisation

C’est aussi au marché que la baisse des cheptels se mesure le mieux. Dans les enclos, les vaches sont moins nombreuses qu’il y a dix ans. « Il y a moins d’éleveurs. Moins de voisins avec qui discuter, moins de jeunes aussi », témoigne Benny. Mais pas de quoi inquiéter l’agriculteur : « c’est aussi là qu’on voit qu’il y a de la place pour les éleveurs qui restent ! »

Côté prix, la différence se voit aussi. « Avec huit broutards dans la bétaillère, j’ai 5 000 € de plus dans le camion qu’il y a dix ans », constate l’éleveur, pensif. Avec un système très herbager, les charges sont restées contenues sur la structure de Benny. Pour la ration hivernale : pas de concentré. Les vaches se contentent de foin, d’ensilage d’herbe et de maïs. Seuls les veaux bénéficient d’un aliment du commerce à volonté, à 18 % de protéines. « Je les sèvre à 8 ou 9 mois selon les opportunités de marché. » Si bien que la hausse des cours se répercute presque directement sur le résultat de la structure. « Nous avons un système bas intrants qui nous a permis de tenir quand les cours étaient bas, et de peu subir la hausse des charges. »

Mais même avec moins de vaches dans les foirails, l’esprit des marchés reste présent. À Chénérailles, on vient autant pour vendre que pour voir, échanger, jauger la marchandise. « J’ai des voisins qui viennent sans même avoir d’animaux à proposer. Ça leur donne une idée ce qu’ils peuvent proposer au marchand », poursuit l’agriculteur. Car le marché reste un baromètre du territoire. C’est là que se fait la tendance, que l’on vende au marché, ou au marchand.

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